Un orang-outan observé pour la première fois en train de se soigner avec une plante médicinale

par Zoe SAMIN avec AFP
Publié le 3 mai 2024 à 18h01

Source : JT 20h WE

Sur l'île de Sumatra, en Indonésie, un orang-outan s'est fabriqué lui-même un pansement avec les feuilles d'une liane.
C'est la première fois que ce comportement est observé chez un primate en liberté.
Une découverte qui rappelle la proximité de cet animal avec les humains.

En quinze jours, la blessure avait totalement disparu. Au nord de l'île de Sumatra, en Indonésie, un orang-outan nommé Rakus, âgé d'une trentaine d'années, a réussi à se soigner seul avec un pansement. Jamais les scientifiques n'avaient vu un grand singe de son espèce agir ainsi à l'état sauvage. Cette découverte, révélée par une étude publiée ce jeudi 2 mai dans Scientific reports, est donc inédite.

Au mois de juin 2022, Rakus a été observé, par les chercheurs qui le suivent, avec une plaie importante sous l'œil droit, dans une zone du parc national de Gunung Leuser. Selon eux, cette blessure a été causée lors d'un combat avec un autre mâle. Trois jours après, Rakus a commencé à mâcher les feuilles d'une liane, appelée localement Akar Kuning (Fibraurea tinctoria). Mais au lieu de l'ingérer, il a porté ses doigts enduits du jus de la plante sur sa plaie à vif, avant de la recouvrir entièrement de pulpe de liane. Cinq jours plus tard, la plaie était refermée. Deux semaines après, elle laissait une cicatrice à peine visible. 

Un comportement réfléchi et intentionnel ?

La technique utilisée par Rakus n'a rien de nouveau. En Asie du Sud-Est, les lianes font partie des plantes médicinales connues pour leurs propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires. Elles "sont employées comme remèdes traditionnels pour différentes affections, comme la malaria", selon Isabelle Laumer, primatologue à l'Institut allemand Max Planck et autrice de l'étude, interrogée par l'AFP.

L'étude estime que le comportement de Rakus était bien intentionnel, avec un traitement répété et méticuleux d'un endroit bien précis, "qui a pris un temps considérable". La spécialiste Caroline Schuppli n'exclut pas, elle, une "innovation individuelle", d'origine accidentelle. Rakus aurait pu sans le vouloir appliquer le jus de la plante sur sa plaie, juste après avoir porté ses doigts dans la bouche. Comme la plante a un effet analgésique, les singes "peuvent éprouver un soulagement immédiat, les poussant à répéter l'opération plusieurs fois".

Les orangs-outans menacés par la déforestation

Ce n'est cependant pas la première fois que des singes tentent de se soigner. Dans les années 1960, la célèbre anthropologue Jane Goodall observa des chimpanzés, puis des bonobos et des gorilles, mangeant des feuilles dont le rôle anti-parasitaire fut révélé plus tard. Plus récemment, des chercheurs ont observé des orangs-outans de Bornéo, également en liberté, mâchant les feuilles d'une plante médicinale avant de s'en frotter les membres. Ces dernières sont souvent utilisées par les populations indigènes contre les douleurs articulaires. Pour le docteur Schuppli, cela laisse imaginer que le dernier ancêtre commun aux humains et aux singes "utilisait déjà des formes semblables de traitement à l'aide de pommades".

Le New York Times rapporte que cette étude pourrait marquer une nouvelle étape dans la protection des orangs-outans, une espèce en danger à cause de la chasse et de la déforestation.


Zoe SAMIN avec AFP

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